Des ponts entre la France et le Mali dans la lutte contre les MGF

img_9980Equilibres & Populations, ONG française oeuvrant dans le domaine de la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs, mène un projet spécifique sur les mutilations génitales/sexuelles* féminines au Mali : « Protéger la Prochaine Générations ». Aurélie Désrumaux, chargée de projets à EquiPop depuis 2010, est responsable de ce projet et a accepté de nous présenter le travail que l’ONG mène auprès de la communauté malienne, au Mali et en France.

*en France les acteurs et actrices œuvrant dans le domaine des mutilations génitales/sexuelles féminines (MGF / MSF) préfèrent utiliser le terme « sexuelle » pour montrer que la pratique a des conséquences plus globales sur l’appareil sexuel et la sexualité des femmes.

Peux-tu me présenter Equilibres & Populations ?
« C’est une organisation non-gouvernementale française, qui a été créée initialement par des médecins et des journalistes en 1994 dans la mouvance de la conférence internationale du Caire sur la Population et le Développement. L’objet initial de l’association était de mener des actions de plaidoyer pour attirer l’attention des décideurs français sur l’importance des droits et de la santé sexuels et reproductifs, notamment en Afrique subsaharienne. Au fil du temps, EquiPop s’est développée et a commencé à coordonner et à soutenir des projets sur le terrain.

Equilibres & Populations a pour but d’améliorer durablement la santé et le statut des femmes et des filles en Afrique subsaharienne francophone, en mettant l’accent sur les adolescentes en situation de vulnérabilité. Pour ce faire on développe des actions autour d’une triple stratégie : Mobiliser (les populations, les décideurs, les partenaires techniques et financiers), Impulser (des dynamiques de changement), Accompagner (les populations avec lesquelles on intervient dans la définition de projets qui a pour but l’amélioration de leur bien-être, par des formations d’actrices et acteurs clé…)  »

Aujourd’hui EquiPop intervient dans plusieurs projets d’Afrique de l’Ouest : Mali, Bénin, Burkina Faso, Niger, Togo, Côte d’Ivoire, et a un bureau de représentation au Burkina Faso.

Peux-tu nous parler de toi, comment se fait-il que tu as commencé à travailler sur les questions de santé reproductives et sexuelles ?
« Ça ne s’est pas fait par hasard je pense, ce sont des questions qui ont suscité un grand intérêt pour moi depuis très longtemps et sur lesquelles j’ai toujours eu beaucoup de questionnements.
img_9988Avec le temps je me suis rendue compte qu’il y avait des différences entre filles et garçons, notamment par rapport aux attentes, de ce que la société nous permettait ou pas, de la manière dont on était orientéEs… J’ai voulu creuser ces questions de société et une fois rentrée à à l’Université, en sciences politiques, je me suis orientée vers les problématiques de développement, de genre, d’égalité, etc. »

C’est lors d’un stage d’étude dans une ONG sénégalaise qui travaille sur la santé maternelle et infantile qu’Aurélie a vraiment pris conscience que la santé n’est pas un droit acquis pour tout le monde. En 2008 elle a commencé à Equilibres & Populations, d’abord au bureau Afrique de l’Ouest à Ouagadougou (Burkina Faso), puis au siège à Paris. 
 
Protéger la prochaine génération de l’excision, au Mali et en France
Depuis 2006 Equilibres et Populations mène un projet de promotion de l’abandon des mutilations sexuelles féminines dans la région de Kayes, au Mali, intitulé « Protéger la Prochaine Génération ».

 « J’étais au courant de la pratique des MSF et de leurs conséquences mais je n’avais pas vraiment creusé le sujet. C’est en commençant à travailler sur ce projet que je me suis vraiment rendue compte de l’ampleur du phénomène et des conséquences multiples au niveau de la santé des femmes et des filles.  Les mutilations sexuelles féminines sont une violence basée sur le genre et font partie du continuum de violences perpétrées envers les femmes parce qu’elles sont femmes. Pour moi il est essentiel de capitaliser les expériences, de réfléchir ensemble à la manière dont on peut arriver à un abandon durable des MSF. »

Pour mener à bien ce projet, EquilPop a créé un partenariat avec une association malienne, l’AMSOPT et 15 personnes sont employées sur ce projet à Kayes, au Mali. Le district sanitaire de Kayes est composé de 250 villages et 95% des femmes y sont excisées. On trouve différents types d’excision : les types 1 (clitoridectomie) et 2 (excision), mais aussi des infibulations, non pas par suture mais par accolement des lèvres pendant la cicatrisation car certaines communautés lient les jambes des filles après l’excision.

« C’est un projet qui se développe continuellement. En 2006 on a commencé avec quelques villages et petit à petit on a augmenté le nombre de villages touchés par le projet. Aujourd’hui on mène des actions de sensibilisation dans 150 villages.  A travers la production et diffusion d’émissions de radios communautaires, qui sont largement écoutées, on touche finalement toute la région de Kayes, voir plus loin. On organise également des rencontres inter-villageoises entre les villages engagés. Certains villages se sont positionnés pour l’abandon, ont signé une charte et ont pris position officiellement dans le cadre de cérémonies d’abandon. Nous avons d’autres villages qui sont plus mitigés et une tout petite minorité qui sont réfractaires. »

Le projet « Protéger la Prochaine Génération » est un projet intégré et holistique.
On vise la pérennité de l’abandon des MSF dans les villages.

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Rencontre villageoise à Kayes

« On n’évoque pas les MSF de prime abord, on passe par d’autres sujets concernant la santé sexuelle et reproductive, la grossesse, les pathologies liées à la grossesse, le paludisme, l’hygiène… jusqu’à ce que les communautés définissent elles-mêmes les mutilations sexuelles féminines comme un problème. C’est à partir de ce moment-là qu’on aborde les MGF et les autres violences basées sur le genre, les sujets relatifs aux respect des droits humains, etc…  Ainsi, environ 60 des villages qui se sont engagés en faveur de l’abandon de l’excision se sont également engagés contre le mariage précoce !

« Il y a un lien de confiance très important entre l’AMSOPT et les villages, l’association est très respectée. Mais ça n’a pas toujours été simple pour les animatrices. Parfois elles se sont fait insulter ou même jeter des cailloux dessus! Elles sont très courageuses. »

Pour diffuser le processus d’abandon des MSF dans la zone d’intervention, EquiPop a aussi mis en place un échange entre les villages mobilisés et d’autres villages qui sont plus réfractaires ou qui ne sont pas encore dans la zone du projet. Les résultats de ces échanges sont très positifs.

Construire des ponts avec la diaspora malienne en France
La région de Kayes est une région de forte émigration. C’est pourquoi, depuis 2009 EquiPop a mis en place un volet « migration » afin de travailler avec la diaspora malienne en France. En Ile-de-France la communauté provenant de Kayes est très bien organisée et structurée en fonction des villages d’origine. L’ONG s’est basée sur ce réseau pour développer les actions, en partenariat avec des associations migrantes. 

« Nous avons commencé à travailler avec la diaspora malienne parce qu’on s’est rendu compte qu’elle avait un pouvoir socio-économique très important dans les villages d’origines à Kayes. Certains membres de la diaspora en France s’opposaient à ce que les villages à Kayes abandonnent l’excision. En 2009 plusieurs villages qui avaient déclaré s’opposer aux MSF se sont finalement rétractés à cause de cela… En plus, nous savions que des petites filles d’origine malienne vivant en France pouvaient être envoyées aux villages pour y être excisées. »

« On a aussi constaté un manque d’information entre les diasporas et les villages d’origine. Il fallait faire passer le message aux membres de la diaspora comme quoi les choses sont en train de changer dans vos villages d’origine, les normes changent, les MSF sont en train d’être abandonnées. Cela leur permet de mieux comprendre le changement, de l’accompagner et d’échanger avec leurs communautés d’origine sur ces questions. Le but était que les membres de la diaspora ne se sentent pas trahiEs, et qu’ils/elles ne se retrouvent pas dans une situation de crispation ou de rempli identitaires sur des coutumes qui n’ont plus lieu d’être dans les villages… »

Le volet migrant a aussi permis de donner la parole aux migrants et migrantes qui sont contre les MSF (et il y en a beaucoup!) et de donner une voix aux femmes qui ont fui leur pays à cause des MSF.

Grâce à ces ponts créés entre la diaspora et les villages on a pu déjouer certains risques d’excision de filles arrivées dans les villages pour subir l’excision. Le travail diaspora-villages est vraiment bénéfique dans les deux sens.

Formation de relais communautaires
Dans le cadre du projet, EquiPop forme des relais communautaires issuEs de la diaspora malienne vivant en France, qui veulent s’engager contre les MSF au sein de leurs communautés. Ces femmes et hommes sont forméEs sur les techniques de communication, renforcent leurs connaissances des MSF, des violences basées sur le genre, etc. 

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Aurélie et sa collègue Sokhna Fall Ba, chargée de la mobilisation de la diaspora

« Sur la dizaine d’hommes et de femmes forméEs touTEs ont une expérience personnelle dramatique par rapport aux MSF : soit pour les femmes qui sont elles-mêmes survivantes de MSF ou pour leurs proches. On a eu des cas de femmes qui sont arrivées du Mali, qui ont été mariées et où le mari a pensé qu’elles n’étaient pas suffisamment excisées, et qui ont donc été ré-excisées en France…  Ce n’est pas une majorité mais ça arrive. »

En 2009, EquiPop a organisé un voyage avec les migrantEs relais au Mali, à l’occasion d’une cérémonie d’abandon. A cause de la situation sécuritaire à Kayes, l’ONG n’a malheureusement pas pu envoyer de relais au Mali depuis. Ainsi, la communication entre les deux groupes est assurée grâce à l’enregistrement de messages et d’émissions de radio. Aujourd’hui EquiPop mène également d’autres projets de formation d’individus provenant de la diaspora africaine, afin de renforcer le travail avec les communautés migrantes vivant en France.

De nouveaux projets pour faire des liens entre la diaspora et les communautés d’origine
Equilibres & Populations travaille actuellement sur un nouveau projet, « Construire des ponts entre l’Afrique et l’Europe pour arriver à l’abandon des MSF », financé par le programme conjoint sur les MGF de l’UNICEF et l’UNFPA  (le fond de l’ONU pour la population), en partenariat avec le GAMS Belgique et l’association italienne AIDOS. Le but de ce projet est de faciliter l’échange entre les acteurs et actrices en Europe et en Afrique à travers des communautés de pratiques (COP) web, la production d’un webdocumentaire, l’enregistrement de vidéos par des jeunes…

Rencontre villageoise à Kayes

Rencontre villageoise à Kayes

« L’une des principales difficultés est de trouver des financements qui permettent de construire des ponts entre les communautés en Afrique et en Europe car les financements sont très cloisonnés. On arrive à financer des activités en Europe, ou des activités en Afrique, mais des activités qui lient les deux, c’est vraiment difficile…
Or, je suis persuadée qu’afin d’arriver à l’abandon durable des MSF, il est vraiment important de faciliter les échanges sur les expériences et les bonnes pratiques et ce au-delà des frontières, entre les associations qui militent en Afrique et celles qui militent en Europe…»

Plus d’informations :

Un commentaire à propos de “Des ponts entre la France et le Mali dans la lutte contre les MGF

  1. Vie

    il est essentiel de leur expliquer que le coeur féminin n’a pas besoin de mutilations pour être fidèle… C’est une insulte au COEUR de la femme, on n’imagine pas qu’on mutilerait des hommes pour qu’ils soient fidèles…
    Puisqu’à l’origine c’est pour que la femme soit vierge puis fidèle que cette coutume s’est pratiquée…

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