Création d’affiches de sensibilisation au centre Croix-Rouge Henri Dunant d’Hotton

Capture d’écran 2013-10-29 à 20.02.58Des personnes du terrain ont fait remonter auprès du Comité de Concertation Opérationnel (CCO), composé des 3 associations spécialisées sur les MGF – GAMS Belgique, INTACT et CL-MGF – une demande quant à la possibilité de mettre en place un projet de création d’affiches de prévention sur les MGF réalisées par les personnes concernées. Cette idée a été discutée au mois de mai. Fin juillet 2013, le GAMS la mettait en œuvre avec l’aide du centre Croix Rouge Henri Dunant d’Hotton.

Durant une semaine (du jeudi au vendredi et du lundi au mercredi), quatre membres de l’équipe du GAMS ont travaillé avec onze résidents-es du centre. De ce projet 3 affiches sont nées : l’une s’adressant aux pères, l’autre aux familles et la troisième aux mères.  

Mme Tiguidanke Diallo a participé à ce projet. Elle a réalisé l’affiche s’adressant aux mères.  

 

IMG_3780Je m’appelle Mme Diallo Tiguidanke, je suis guinéenne. Pourquoi je m’intéresse à l’excision ? J’en suis victime. Au cours de ma vie, j’ai rencontré des femmes qui étaient également des victimes, qui avaient des problèmes dus à l’excision, notamment des problèmes à l’accouchement. Leur souffrance m’a beaucoup touchée. Ces rencontres m’ont donné l’envie d’agir : une association de regroupement des femmes, Serre, a été créée.

A travers cette association, nous cherchions à sensibiliser les mères et les jeunes filles, dans les sous-préfectures, pour qu’elles cessent l’excision. Pour les sensibiliser, nous leur donnions des exemples – quand tu pars accoucher, les douleurs que tu subies à l’accouchement, les difficultés que tu rencontres sont dues à l’excision. Certaines ont également des problèmes pour uriner. Nous prenions aussi des exemples de femmes non excisées qui elles n’ont pas ce type de problème. Malheureusement, par manque de moyens, je n’ai pas pu mener le projet que je voulais : souvent, nous n’avons pas pu partir dans les sous-préfectures.

De l’implication dans le projet de création d’affiches…

C’est l’excision qui m’a attirée dedans. Parce que cela parlait du problème des femmes et des enfants. Aujourd’hui, on ne peut pas vivre sans les enfants ou sans les mères. C’est impossible.

Notre infirmière, Mme Michelle, m’a convoquée. Elle m’a expliqué, elle m’a parlé du projet. Elle m’a choisie car elle connaissait ma situation par rapport à l’excision et au fait que j’avais subie la pratique. Mme Michelle m’a appris que le GAMS viendrait à Hotton pour mener un projet. Elle souhaitait que j’y participe.

Au début, je pensais que le projet consisterait à expliquer ce que j’avais subi, à partir de mon cas précis. J’ai pris le temps de réfléchir avant de donner mon accord pour y participer. Je me suis dit que ce serait une occasion de dire aux gens qui n’ont pas été victimes comme moi, qu’il faut arrêter la pratique. Donc j’ai donné mon accord.

Une semaine après, le centre m’a envoyé une lettre dans laquelle on confirmait ma participation à l’atelier.

 … au lancement de l’atelier.

Au début, je minimisais un peu l’atelier, parce qu’on m’en a parlé mais je n’avais jamais assisté à ce type de formation… Le premier jour, j’ai un peu douté : le projet nous a été présenté, nous avons dessiné un peu. Je me suis dit « Non ! On est venu pour dessiner ou pour se présenter ?! Moi, je viens à un atelier du GAMS et c’est comme ça ?! »  Mais le deuxième jour… En fait, c’est le deuxième jour que j’ai aimé le plus : ce jour, le travail a débuté normalement. On a bien travaillé : il y avait de l’ambiance, tout le monde se donnait des idées. Ca m’a aidé aussi, ça m’a donné un peu d’expérience : parce que là… j’ai entendu beaucoup de chose, j’ai tiré beaucoup d’idées des gens, j’ai noté beaucoup de choses.

Capture d’écran 2013-10-29 à 20.04.28Là, j’étais vraiment heureuse. Parce que, le groupe était là : il y avait de l’entente, tout le monde était curieux. Vraiment, c’était, c’était vraiment merveilleux, parce qu’on travaillait dans l’entente : on se comprenait, on se donnait des idées, on se défoulait ensemble. J’étais au milieu du groupe quoi. C’était, c’était vraiment bien parce que… c’était vraiment un autre regroupement. Parce que ce n’est pas comme ça d’habitude au centre : si tu as un petit boulot là-bas, après le boulot, tu es dans ton appartement. Personne ne va chez l’autre. Donc là, c’était un… on était là, comme une famille. C’était bien.  

Le quatrième jour, les affiches ont été réalisées : on a trouvé et écrit des slogans et dessiné les affiches. La partie sur le travail d’écriture du slogan, je sais que ça aussi, ça va me permettre un jour peut-être de créer un slogan : construire une phrase par moi-même. Je pourrai faire quelque chose pour toutes les femmes du monde : diffuser mon message sur Internet pour que les gens puissent lire mes slogans. Même si je ne peux pas me déplacer partout, avec Internet, mes idées pourront être diffusées à travers le monde.

Le dernier jour, on a présenté les affiches au tableau et on a essayé de voir ce que l’on pourrait faire avec.

De la naissance de son affiche à sa réalisation

Le jour de la création des affiches, j’ai vu que tout le monde prenait des crayons et des Bic. J’ai vu l’appareil photo devant moi. Le matin, on nous avait montré des photos. Je me suis dit qu’il fallait autre chose : Faire la pratique directement, au lieu de faire de la théorie. J’ai demandé s’il était possible de faire des photos. Ma coéquipière m’a dit : « non, on va dessiner. » J’ai dit « non. On ne va pas dessiner. Si tu travailles avec moi, suis moi. Regarde cette idée. Ca va être bien ».

Si on prend des ciseaux, dès que tu les ouvres, ça devient une croix. Nous tous, dès que tu vois quelque part cette croix comme ça, tu sais que c’est quelque chose d’interdit. Donc, les ciseaux montrent la croix. Sur les ciseaux, il y a un cercle rouge au milieu. J’ai mis un foulard rouge. Le rouge, dans mes idées, représente le sang. J’ai emprunté un bébé qui est une fille. Sur l’affiche, j’essaie d’attraper ce bébé. Je représente ainsi une exciseuse qui va exciser la fille. Mais, la maman de la fille refuse que je l’excise. Parce que ce n’est pas bon. Elle déjà, elle sait que ce n’est pas bon. Mais moi, comme c’est mon travail, je tiens à le faire. Pour moi, cela veut dire à toutes les femmes exciseuses d’arrêter. Certains membres de la famille prennent les enfants de force, sans l’accord de leur parent. Sur l’affiche, la maman de l’enfant a montré qu’elle n’avait pas peur : sa fille ne va pas être excisée. Elle tient sa fille. Elle ne part pas. L’exciseuse ne peut rien faire, parce que la mère tient sa fille. Sur l’affiche, la croix formée par les ciseaux ouverts signifient : STOP !

Sa vision de l’avenir des affiches

Capture d’écran 2013-10-29 à 20.04.38Si ça ne tenait qu’à moi, j’aimerais faire de la pub avec ces affiches : montrer aux gens l’excision, l’arrêter, leur expliquer ce que ces dessins disent. Parce que chaque dessin parle. Ce n’est pas uniquement pour décorer… Chaque dessin parle, a son message, a sa signification.

Des projets pareils, ce ne sont pas des projets à abandonner. Il faut les suivre jusqu’à la fin. Ce projet concerne beaucoup de personne. J’aimerais que les gens comprennent que ce projet-là, c’est pour eux. C’est pour leur faire du bien. C’est pas pour leur faire du mal et que ce projet continue. Parce que si on s’arrête là, on a fait moitié du travail.

Les affiches ne devraient pas rester uniquement dans notre centre. C’est valable dans tous les centres. S’il y a la possibilité de faire de la pub dans tous les centres de Bruxelles… Ce projet pourrait être reproduit dans d’autres centres, en leur donnant notre atelier comme exemple. Cela va peut-être leur donner du courage de mieux travailler, de travailler plus que nous. Ils verront… « Voilà, ça c’est tel centre qui a travaillé cela. Nous, on est de Namur mais nous aussi on a le courage de faire plus que ça. » Ca encourage les gens. Ca va les encourager. J’adore cette idée.