Lecture faite par | Marie De Brouwere, coordinatrice des SC-MGF |
Genre | Article scientifique (résultat d’une enquête de terrain) |
Public visé | Tout public |
Notions clefs | MGF – implication hommes – Djibouti |
Carillon Séverine, Petit Véronique, 2008, « Décider de la pratique des mutilations génitales féminines à Djibouti : une affaire de femmes ? », in Belbéoch Olivier, Charbit Yves, Hassan Houssein Souraya (sous la dir.), La population de Djibouti : Recherches sociodémographiques, coll. Populations, L’Harmatan, France, pp.87-128.
Situer les auteures
Séverine Carillon est docteure en anthropologie. Elle a soutenu sa thèse en 2013, au CEPED – Centre Population et Développement (UMR de Paris-Descartes INED IRD) – sur La production des ruptures de soins. Une anthropologie de l’expérience ordinaire du suivi médical de l’infection VIH à Kayes.
Véronique Petit est démographe, maître de conférence à l’université de Poitiers, CNRS. Ses champs de recherche sont : les migrations internationales, migrations de retour, pauvreté, épistémologie.
A l’époque, elle était la directrice de thèse de Séverine Carillon.
Déterminer le sujet
A Djibouti, les MGF sont considérées comme une affaire de femme, confinant ainsi la perpétuation de la pratique et la lutte contre cette dernière au rôle des femmes. Or, dans une société patriarcale où la parole des hommes a un tel poids, cette absence des hommes dans les prises de décision, concernant la perpétuation de la tradition, interpelle. Les auteures vont essayer de déterminer ce que cache ce fait.
Résumé
Djibouti possède une des plus fortes prévalence de MGF en Afrique de l’Est (en 2006, la prévalence s’élevait à 93.1% pour les femmes âgées entre 15 et 49 ans). La lutte contre les mutilations génitales y a débuté dans les années 1980. Elle émanait d’une démarche politique et sociale soutenue par des partenaires internationaux. En 1995, le gouvernement s’est doté d’une loi interdisant et condamnant la pratique des mutilations – l’article 333 du Code Pénal interdit toutes formes de violences : « la violence imposée par les mutilations génitales est passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million de francs djiboutiens » (p. 96).
Malgré la présence de cette loi, la décision de perpétuer ou non la pratique se discute au sein de chaque famille. Les auteures ont donc cherché à comprendre comment et par qui ce choix était fait. Elles se sont notamment penchées sur l’absence des hommes dans la prise de décision. En effet, dans un pays patriarcal, dominé par la gent masculine, il est étrange de confiner cette question à la sphère féminine, donnant ainsi l’illusion que seules les femmes ont leur mot à dire et ont un pouvoir de décision concernant cette question.
Pour obtenir des réponses à leurs questionnements, durant deux mois, les chercheures ont mené vingt-cinq entretiens semi-directifs avec des personnes, hommes et femmes, âgées de 18 à 60 ans et plus, qui ont subi ou non une mutilation.
La première partie analyse le contexte de la lutte. Les auteures y identifient certains nœuds soulevés par l’adoption de la loi, les conséquences et les questionnements qui en découlent pour l’organisation sociale du pays. En effet, la loi a remis en cause le système idéologique sous-jacent aux mutilations (par exemple, les bases du système matrimonial), les fondements de la hiérarchie entre les hommes, les femmes et les enfants, le positionnement de l’Etat et de ses représentantEs par rapport à l’application de la loi, etc.
La deuxième partie explore quant à elle le processus de décision. Après avoir pointé l’impact de l’adoption de la loi, les auteures se penchent sur le rôle du statut des personnes dans la prise de décision (celui des femmes, des hommes et celui des aînéEs par rapport au foyer conjugal) ainsi que le poids du contexte socioculturel (la réussite sociale de l’homme, les situations de migration, la situation personnelle).
Critique
Cette lecture énonce clairement les enjeux liés à la condamnation de l’excision.
La réflexion menée par rapport à l’absence des hommes dans la prise de décision est intéressante. En effet, de manière générale, la lutte contre les mutilations génitales féminines est souvent entreprise et menée par des femmes. Les hommes sont, souvent, plus difficilement mobilisables et peu mobilisés (bien que cela change). Or, les pays pratiquants les MGF sont des pays où la place de l’homme est prépondérante sur celle de la femme. Dans ces circonstances, comment se fait-il que les femmes aient soudain un pouvoir décisionnel important par rapport à une tradition ayant des implications plus ou moins importantes sur le long terme.
Les chercheures avancent que l’abandon de la pratique provient d’une décision collective impliquant d’abord la mère de l’enfant mais également les autres femmes de la famille AVEC l’aval d’un homme. La perpétuation de la tradition peut se faire à l’insu de l’homme mais son abandon requière son accord. Car l’homme sera le soutien indispensable sur lequel une mère s’appuiera pour faire face aux pressions familiales. Toutefois, le pouvoir de l’homme est bel et bien supérieur à celui de la femme car un homme peut décider unilatéralement d’abandonner la pratique : il arrivera à asseoir sa décision, contrairement à une femme. Il est donc important de pouvoir mobilier les hommes dans cette lutte.
Avis personnel
Je trouve que c’est une bonne introduction à la problématique. Les auteures soulèvent une série de points qui doivent être pris en compte dans la lutte contre les mutilations, que ce soit en Afrique ou en Europe.
Les éléments apportés par rapport à l’absence « toute relative » des hommes dans le processus décisionnel sont éclairants. Ils m’ont permis de faire des liens avec des observations ou des réflexions que j’ai pu avoir et de mieux comprendre certains faits que j’ai pu observer dans le cadre de mon travail.
Bonjour a toutes et tous
Eleminer ces mutilations d’un autre age n’est pas facile. Je salue votre effort.
Seulement d’apres ma propre citation: » Sans eduquer le Masculin a Djibouti, le Feminin sera toujours condamme a voler au ras du sol »
Le ministere de la promotion feminine disposant d’un budget limite et manquant de personnel competant passionne par l’eradication des mutilations n’a pas reussi.