Focus dans nos entretiens de terrain sur l’Expo Clito qui s’est ouverte il y a quelques jours à l’ULB, sur le campus du Solbosch, et qui accueillera les visiteurs jusqu’au 9 juin. Le clitoris, longtemps oublié des planches anatomiques, a été redécouvert et représenté en 3D seulement en 1998. L’exposition le met à l’honneur à travers notamment des œuvres contemporaines.
À l’occasion de cet événement, l’équipe du CEMAVIE (Centre médical d’aide aux victimes de l’excision du CHU Saint-Pierre) et le GAMS Belgique ont organisé le 11 avril à l’ULB un ciné-débat intitulé « Se reconstruire après une excision : avec ou sans chirurgie ? » en présence d’Habibata Ouarmé (réalisatrice) et de l’équipe de CEMAVIE du CHU Saint-Pierre, dont le gynécologue responsable Dr Martin Caillet.
Les SC-MGF ont saisi cette opportunité pour en apprendre davantage sur Habibata Ouarmé et son travail au Canada pour mettre fin aux mutilations génitales féminines.
Habibata Ouarmé avait 6 ans lorsqu’elle a subi une excision. Elle fait partie des 230 millions de femmes dans le monde qui sont victimes des mutilations génitales féminines, aussi appelées MGF.
Selon un récent rapport de l’UNICEF, les MGF ont augmenté de 15% depuis 2016. Plus de 31 pays, répartis sur trois continents, sont concernés. Toutes les 10 secondes, une fillette de moins de 12 ans est excisée.
Parmi les activistes et militantes qui œuvrent pour le bien-être des femmes à travers le monde, une figure se distingue par sa détermination inébranlable : Habibata Ouarmé. Originaire de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, Habibata s’est engagée à combattre les pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines (MGF). Depuis ses débuts, elle mène un combat acharné, incarné dans son documentaire saisissant, «Koromousso».
« Koromousso, c’est ça la sororité. Entre femmes, on peut s’aider. Ensemble, on peut aller chercher ce dont on a besoin. Koromousso, c’est ça, c’est la grande sœur. »
Pour Habibata, ce choix n’était pas une simple inspiration, mais une nécessité profonde. Ayant elle-même subi une excision, elle a ressenti le besoin irrésistible de donner une voix authentique aux femmes affectées par les MGF. Après avoir visionné plusieurs documentaires sur le sujet, elle a réalisé qu’ils ne reflétaient pas nécessairement son vécu. Souvent, ils se focalisaient sur les aspects les plus sombres, laissant peu de place à l’espoir ou à des perspectives positives. C’est alors qu’Habibata a décidé de prendre les choses en main et de se rendre sur le terrain. Pour elle, « Koromousso » incarne la solidarité entre les femmes et la possibilité de s’aider mutuellement. C’est un appel à l’action et une célébration de la sororité qui peut affronter tous les obstacles.
Au sujet de ce documentaire KOROMOUSSO : de quoi s’agit-il ?
« KOROMOUSSO – Grande sœur » d’Habibata Ouarmé et Jim Donovan, ONF – 2023 | 75 min | Documentaire | Français et anglais : retrace l’histoire d’un groupe de femmes qui brisent les tabous culturels sur la sexualité féminine et se soutiennent pour dépasser les conséquences traumatiques de l’excision et se réapproprier leur corps. Avec sincérité, humour et courage, un groupe de Canadiennes d’origine africaine brisent les tabous culturels sur la sexualité féminine et revendiquent le droit de se réapproprier leur corps. Mêlant son parcours personnel aux récits intimes de plusieurs de ses amies aussi lumineuses qu’attachantes, la coréalisatrice explore le phénomène de l’excision et le chemin vers la guérison individuelle et collective, en Afrique comme au Canada.
Voir la bande-annonce ici.
Un Parcours Engagé
À la croisée de son métier de réalisatrice documentaire et de son engagement d’activiste, Habibata Ouarmé a tracé un parcours audacieux pour donner une voix aux femmes ayant subi une mutilation génitale féminine. Son histoire personnelle, marquée par son propre vécu, a profondément nourri son engagement. Après avoir étudié la cinématographie, elle s’est plongée dans le monde du documentaire, aux côtés de son mari producteur, accumulant ainsi une précieuse expérience sur le terrain. Son documentaire, « Koromousso », va bien au-delà de l’exploration des tabous culturels liés à la sexualité féminine. Il incarne la nécessité pressante de briser le silence et de créer un espace de guérison pour les femmes touchées par cette pratique.
La Force d’une Vision
Dans ses propres mots, Habibata déclare : « Je suis passée par tellement de chemins, j’ai eu un parcours qui m’a amené là ». Cette citation résonne comme une affirmation de sa détermination à surmonter les obstacles et à insuffler un changement positif. Son objectif est clair : donner aux femmes la force de s’exprimer, de se soutenir mutuellement et de défendre leurs droits. À travers son documentaire, Habibata souhaite éveiller les consciences, tant au niveau local qu’international. Elle aspire à faire de son travail un outil de sensibilisation incontournable.
L’Art du Documentaire Engagé
Le documentaire « Koromousso » ne se contente pas d’être un simple film, c’est un appel vibrant à l’action. Habibata Ouarmé a choisi délibérément le format du documentaire pour plonger authentiquement dans la réalité des femmes touchées par les mutilations génitales féminines. Avec une équipe soigneusement sélectionnée, elle a capturé des témoignages poignants et des instants de vérité, préservant ainsi l’intégrité et la dignité de chacune.
Soutenue par Human Rights Watch Film Festival, elle a donné une portée internationale à son message, ouvrant ainsi la voie à des discussions cruciales sur les droits des femmes. Son objectif avec ce film est d’encourager les femmes à s’exprimer et à prendre la parole. Pour elle, la prise de parole est un moyen puissant de revendiquer ses droits et de briser les barrières. Elle insiste sur le fait que les MGF ne sont pas seulement un problème culturel, mais un problème mondial de santé publique. Habibata tire son inspiration de sa propre expérience en tant que victime d’excision. Pour elle, « Koromousso » n’est pas qu’un simple documentaire. C’est une nécessité, une manière de donner une voix aux femmes et de créer un réseau de soutien solidaire.
Vers de Nouveaux Horizons
Le parcours d’Habibata Ouarmé est un exemple inspirant de résilience et d’engagement. Sa conclusion « Laisser pousser les ailes et une fois que les ailes sont poussées, si on sent qu’on veut s’envoler, on s’envole » reflète parfaitement son attitude face à la vie et à son combat pour la justice.
En brisant les tabous et en plaidant pour le changement, Habibata nous rappelle que chacune et chacun détient le pouvoir de faire une différence. Son documentaire, porteur d’espoir et d’humanité, demeure un témoignage saisissant de la force collective des femmes qui s’unissent pour transformer le monde.